Texte initialement publié dans le Globe and Mail.

La course vers l’intelligence artificielle (IA) est commencée. Les organisations canadiennes cherchent de plus en plus à intégrer l’IA à leurs opérations, mais bon nombre d’entre elles n’ont pas déterminé les cas d’utilisation ou la façon de l’adopter de manière responsable. Selon une recherche de KPMG au Canada, l’adoption de l’IA parmi les organisations canadiennes est inférieure à la moitié de celle des États-Unis, avec seulement 35 % des entreprises canadiennes disant utiliser l’IA dans leurs opérations, contre 72 % aux États-Unis.

Pourquoi les organisations canadiennes accusent-elles du retard par rapport à leurs homologues américaines? Probablement parce que beaucoup d’entre elles ne savent pas pour quelle raison elles devraient utiliser l’IA ni comment le faire. C’est du moins une réponse que nous recevons souvent de la part de clients, actuels et potentiels.

L’Enquête sur la technologie numérique et l’utilisation d’Internet de Statistique Canada révèle que plus des deux tiers (69 %) des entreprises qui n’ont pas encore adopté l’IA disent ne pas avoir déterminé les moyens de l’intégrer à leurs besoins commerciaux les plus pressants.

Par contre, comme le démontre notre dernière enquête mondiale Perspective des chefs de la direction, à la question portant sur ces mêmes besoins, les dirigeants canadiens ont répondu que le renforcement de leur proposition de valeur aux employés pour attirer et retenir les meilleurs talents était leur priorité absolue pour atteindre leurs objectifs de croissance. L’IA peut jouer un rôle important dans la réalisation de cet objectif, en plus d’ajouter du même coup de la valeur à un éventail d’autres secteurs.

Comme pour la plupart des problèmes, la clé de la proposition de valeur aux employés se trouve dans les données, et c’est là où l’IA brille. Tout d’abord, elle peut contribuer à trouver puis à attirer les bons talents pour faire croître votre entreprise. Ensuite, elle peut améliorer la satisfaction au travail en offrant les outils pour améliorer l’efficacité et l’incidence. Enfin, l’IA a la capacité d’augmenter la productivité de votre organisation, ce qui favorise les occasions de croissance pour votre personnel.

Afin d’attirer et de retenir les meilleurs talents disponibles, les entreprises canadiennes doivent créer des environnements invitants pour tout le monde.

La plupart des gens croient que les organisations diversifiées génèrent de meilleures idées et de meilleures rendements. Un rapport de BoardReady publié en 2021 (en anglais) dévoilait que les entreprises où plus de 30 % de femmes siègent au conseil d’administration ont constaté une croissance de 54 % de leurs revenus d’un exercice à l’autre. Malgré les preuves et les objectifs formulés, bien des organisations peinent à atteindre de tels chiffres. Par ailleurs, un sondage d’Imagine Canada datant de janvier 2023 et s’adressant aux professionnels noirs, autochtones, 2SLGBTQI, sud-asiatiques et musulmans travaillant dans les plus grandes entreprises canadiennes a révélé que de grands écarts demeurent, surtout dans les postes de direction et particulièrement dans la représentation des personnes noires et autochtones. Seulement 25 % des professionnels noirs ont indiqué avoir des responsabilités de prise de décisions, comparativement à 96 % des répondants caucasiens.

Les partis pris dans les méthodes de recrutement, de rétention et de récompense des organisations sont l’une des causes claires. Ces partis pris doivent être éliminés, et l’IA est un outil majeur pour les comprendre et les supprimer.

Bien que les organisations aient pris des mesures pour éliminer des tournures explicitement partiales, notamment les titres de postes au masculin comme contremaître et homme à tout faire, de nombreux autres termes peuvent dissuader certaines personnes de postuler à un emploi donné.

Par exemple, si le service des TI d’une entreprise a toujours penché vers l’embauche d’hommes, les gestionnaires recruteurs pourraient se fier aux données de l’entreprise qui démontrent un historique de parti pris pour les candidats de sexe masculin. Les équipes des RH pourraient se servir de ces données pour créer d’éventuelles offres d’emploi et involontairement utiliser un langage qui attire davantage les hommes, notamment avec des mots comme « dynamique » ou « culture axée sur le rendement » et des tournures comme « relève du contremaître de la technologie ». Ces formulations font pencher le processus d’embauche en faveur des hommes. Ce type de parti pris ancré peut exister dans de nombreux services et postes.

En réalité, les personnes responsables de l’embauche ont un parti pris envers les candidats qui leur ressemblent ou qui cadrent avec l’organisation pour laquelle elles travaillent. En plus de priver l’organisation des talents dont elle a besoin pour croître, ce parti pris enracine la pensée historique, qui contribue à déconnecter l’entreprise de ses clients. Si les talents sont la clé de la croissance d’une entreprise, l’IA est la clé qui ouvrira la porte aux bons talents, mais seulement si les données qui appuient les algorithmes sont exemptes de partis pris.

Les systèmes d’IA entraînés avec des données neutres du point de vue des genres et exemptes de partis pris peuvent analyser les jeux de données de RH pertinents et trouver des tendances que les évaluateurs humains pourraient avoir manquées, notamment la surévaluation des postes historiquement occupés par des hommes ou la sous-estimation du travail effectué majoritairement par des femmes. Lorsqu’ils sont conçus et entraînés de manière responsable, les algorithmes d’IA peuvent améliorer le processus de recrutement en évaluant les CV rapidement et objectivement, en cherchant des expériences particulières et en filtrant les traits naturels des talents au moyen d’une analyse des sentiments dans la lettre de présentation et des indices non verbaux dans les entrevues en vidéo.

L’IA peut servir à détecter le langage genré et offrir des descriptions de poste neutres afin d’égaliser les chances des recrues potentielles. Les systèmes d’IA peuvent également aider les organisations à se conformer aux exigences réglementaires (comme la Loi sur l’équité salariale) en réalisant des analyses poussées de grands jeux de données qui contribuent au diagnostic des modèles de rémunération et à la création de pratiques anonymes d’embauche et de paie. Les outils avancés d’IA peuvent même servir à quantifier les avantages de productivité d’une main-d’œuvre diversifiée.

Cependant, l’IA n’est pas qu’un outil de recrutement ou d’évaluation pour trouver les meilleurs talents les plus diversifiés; c’est une proposition de valeur pour le personnel, particulièrement si elle est intégrée dans toute l’organisation. L’IA donne aux entreprises la possibilité d’être plus agiles, plus concurrentielles, plus productives et plus efficaces; des qualités qui attirent les talents les plus performants.

L’IA générative, qui crée instantanément du contenu en fonction de messages des utilisateurs, aide les membres du personnel à réaliser des tâches courantes rapidement et efficacement afin qu’ils puissent se concentrer sur du travail plus important et à forte incidence. Notre étude récente révèle que les Canadiens et Canadiennes qui utilisent des outils d’IA générative gagnent jusqu’à cinq heures par semaine, ce qui leur permet de réaliser des tâches plus importantes qu’ils et elles n’auraient autrement pas la capacité d’entreprendre.

Étant donné que l’IA est en mesure d’effectuer des tâches répétitives et chronophages, notre main-d’œuvre et, par extension, notre économie seront bien plus productives. Cette productivité peut favoriser de nouvelles idées et une croissance accélérée, nous permettant de maintenir et d’améliorer notre qualité de vie.

Les Canadiens et Canadiennes désirent travailler pour des entreprises innovantes et d’avant-garde qui encouragent la croissance personnelle et offrent des occasions d’y arriver. Qui ne veut pas être en mesure de déléguer ses tâches banales et répétitives à la technologie? Qui n’aimerait pas obtenir des analyses de données en une simple commande vocale? Nous rêvons tous du collègue de travail parfait à l’ère numérique; l’IA générative est peut-être ce que nous attendions.

Les organisations canadiennes qui ne savent pas comment entamer leur parcours d’IA n’ont qu’à commencer par leur main-d’œuvre, qui est leur principale priorité pour stimuler la croissance.