Comptabilité nationale : deux changements paradoxaux en 2018

Comptabilité nationale : deux changements paradoxaux

[Décryptages - Entreprises & Economie]

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La comptabilité nationale a pour objet la représentation quantifiée de l'activité économique d'un pays. Elle est régie par des règles méthodologiques qui en assurent la cohérence et permettent les comparaisons internationales. Chaque année, au mois de mai, les comptes nationaux annuels français sont révisés par l’Insee pour tenir compte de l’évolution méthodologique et des informations nouvelles parvenues depuis l’année précédente. Ces redressements sont parfois surprenants, voire paradoxaux. C’est le cas de deux d’entre eux en mai 2018.

La première surprise concerne l’estimation du solde des opérations extérieures courantes de la France, c’est-à-dire – en termes simplifiés – la somme de la balance commerciale et de celle des transactions financières extérieures courantes. Le déficit extérieur courant de la France, qui s’affichait chaque année à environ 58 milliards d’euros avant la révision de mai 2018, est ramené à quelque 14 milliards après révision !

Ce redressement s’explique par une meilleure estimation des dépenses des touristes en France. Dans les comptes de la nation, ces dépenses doivent, par obligation de cohérence, être paradoxalement comptabilisées en exportations puisqu’elles font entrer des devises. Jusqu’en 2018, l’Insee s’appuyait principalement sur les données de la Banque de France pour les estimer. Cette méthode sous-estimait les dépenses des touristes – de plus en plus nombreux – venus des pays émergents. Désormais, l’Insee s’appuie sur des sondages réalisés auprès de ces touristes. Ce changement de méthode a conduit à réévaluer de 16 milliards d’euros le total annuel des dépenses de tourisme en France.

Le redressement s’explique aussi par une meilleure prise en compte des prestations de services facturées à l’étranger par les petites entreprises françaises. Mesuré désormais également par sondage, ce poste a été réévalué de 15 milliards d’euros. Complétés par divers autres ajustements, le déficit extérieur de la France et son besoin annuel de financement sont ainsi réduits de 44 milliards d’euros après révision des comptes nationaux.

La seconde surprise, quoique de moindre importance quantitative, est plus étonnante encore sur le plan des principes. Le PIB français a été réévalué de 0,1% par suite de la prise en compte de l’économie de la drogue.

Le Système Européen des Comptes 2010, avec lequel la France s’est mise en conformité en 2018, précise qu’il convient d’inclure dans le calcul du PIB « les activités de production illégales, pour autant que toutes les unités associées aux opérations le soient volontairement ». Ces activités illégales sont enregistrées dans la production, même si elles ne sont pas connues officiellement de l’administration fiscale ou de la sécurité sociale.

A l’instar d’autres pays européens, l’Insee a décidé d’intégrer à partir de 2018 dans le calcul du PIB les activités liées à la vente de stupéfiants. Pour 2017, l’institut évalue le marché de la drogue en France à 3,1 milliards d’euros, ce qui, compte tenu d’un coût d’importation de 0,4 milliards, amène à réévaluer le PIB de 2,7 milliards d’euros, soit d’environ 0,1%.

Jusqu’à présent, l’Insee s’est refusé à comptabiliser la prostitution dans la production nationale au motif qu’il ne s’agirait pas d’une activité volontaire. D’autres pays européens le font en revanche. Comme pour la drogue après des années d’hésitation, la France finira-t-elle par s’en inspirer ?
 

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