La charte de Venise : texte fondateur de la restauration des monuments historiques

La Charte de Venise de 1964

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Si Viollet-le-Duc, le principal artisan des restaurations médiévales sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire, avait suivi les recommandations de la Charte de Venise de 1964, peut-être la basilique de Vézelay serait-elle encore dans l’état de ruine où Prosper Mérimée, inspecteur général des monuments historiques, l’a découverte en 1834 ? Sans doute les remparts de Carcassonne n’auraient-ils pas la puissance qui fait aujourd’hui leur réputation…
Et, à Paris, la cathédrale Notre-Dame serait probablement toujours orpheline de sa flèche, détruite – par mesure de sécurité – au début de la Révolution.

Pour l’architecte Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879), la restauration doit permettre à une cité ou à un bâtiment de retrouver une unité cohérente, même si celle-ci n'a jamais existé antérieurement. Le château de Pierrefonds, reconstruit dans un style baroque sans rapport avec ce qu’il était au Moyen-Age mais néanmoins très évocateur, est l’une des meilleures illustrations de cette théorie.
Les détracteurs de Viollet-le-Duc, au premier rang desquels le critique d’art britannique John Ruskin (1819-1900), estiment au contraire que la restauration doit se limiter à consolider les édifices dans l’état où ils se trouvent, sans chercher à « refaire l’histoire ».
Ces deux conceptions opposées donneront matière à une controverse qui s’est prolongée jusqu’à la signature en 1964 de la Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites – dite charte de Venise –, à l’occasion du IIe Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques.

La charte de Venise est un compromis entre les doctrines de Ruskin et de Viollet-le-Duc. De la philosophie de Ruskin, elle retient le principe de conservation des édifices en l’état où ils se trouvent avant restauration, dans le respect de la diversité de leurs styles d’architecture – principe déjà fixé en 1931 par la charte d’Athènes. Dans la lignée de Viollet-le-Duc, la chartre de Venise autorise par ailleurs la reconstruction de parties manquantes sous réserve qu’elles « s’intègrent harmonieusement à l’ensemble » et qu’elles contribuent à maintenir l’édifice dans sa fonction initiale.
La charte de Venise sera complétée en 2000 par la charte de Cracovie, qui prescrit une distinction aisée entre les constructions d’origine restaurées et les adjonctions contemporaines : on peut reconstruire, mais pas à l’identique.

La plupart des projets de restauration dans le monde s’efforcent de respecter les principes consacrés par la Charte de Venise. Une exception cependant : la reconstruction des sites et bâtiments détruits par la guerre. Celle-ci est régie par la déclaration de Dresde de 1982, qui prévoit la possibilité de reconstruire à l’identique les villes ou édifices après les conflits armés, dès lors que cette reconstruction est utile à la pérennité des populations éprouvées et à la conservation de leurs valeurs.

Avec la charte de Venise et la déclaration de Dresde, l’éthique de la restauration de monuments historiques dispose d’un solide référentiel. La controverse entre Viollet-le-Duc et Ruskin n’est cependant pas totalement éteinte. On la retrouve à propos de Palmyre. Certains sont partisans de remettre les ruines en l’état où elles étaient avant le saccage de 2015. D’autres, estimant qu’il est absurde de « reconstruire » des ruines, recommandent de laisser le site en l’état comme témoignage tragique des violences régionales du début du XXIe siècle.
 

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