La nouvelle Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement du Canada (projet de loi S-211) a été adoptée le 11 mai 2023 et entrera en vigueur le 1er janvier 2024. Les entreprises concernées doivent faire rapport au plus tard le 31 mai 2024 sur les mesures prises au cours du dernier exercice pour prévenir et atténuer le travail forcé. Pour aider les sociétés et les autres entreprises à se préparer dès maintenant à respecter les nouvelles obligations en matière de transparence et de présentation de rapports, nous avons regroupé les questions les plus courantes sur la nouvelle Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement (la loi).

Quelles sont les entreprises qui pourraient être assujetties à la loi?

La loi s’applique à une entreprise (y compris une société, une fiducie, un partenariat ou une organisation non constituée) qui :

  1. produit, vend ou distribue des marchandises, au Canada ou ailleurs;
  2. importe des marchandises au Canada; ou
  3. contrôle directement ou indirectement une entité qui se livre à l’une des activités décrites ci-dessus;

dans la mesure où l’entreprise est :

  1. inscrite à une bourse de valeurs canadienne; ou
  2. a un lieu d’affaires au Canada, exerce des activités au Canada ou y possède des actifs et remplit au moins deux des conditions suivantes (selon ses états financiers consolidés) pour au moins un de ses deux plus récents exercices :

i) elle possède des actifs d’une valeur d’au moins 20 millions de dollars;

ii) elle a généré des revenus d’au moins 40 millions de dollars; et

iii) elle emploie en moyenne au moins 250 employés.

Un grand nombre d’entreprises canadiennes et étrangères pourraient être touchées par la nouvelle loi. En voici quelques exemples :

  • Un vendeur en ligne qui entrepose de la marchandise au Canada pourrait être assujetti à la loi puisque celle-ci s’applique aux entreprises qui « possèdent des actifs » au Canada.
  • Un franchiseur pourrait être assujetti à la loi et devoir faire rapport sur la chaîne d’approvisionnement des franchisés s’il exerce un « contrôle indirect » sur la franchise.
  • Une entreprise étrangère ainsi que sa filiale établie au Canada pourraient toutes deux être assujetties à la nouvelle loi si elles atteignent les seuils décrits ci-dessus.

Pourquoi le travail forcé et le travail des enfants représentent-ils une préoccupation pour les entreprises canadiennes?

La nouvelle loi impose à certaines entreprises canadiennes et étrangères de nouvelles obligations en matière de rapports pour prévenir et atténuer le risque d’esclavage moderne dans leur chaîne d’approvisionnement.

De nombreuses entreprises ont une structure qui réduit l’exposition aux risques liés à la main-d’œuvre dans la production et la fabrication, que ce soit par rapport à la sous-traitance, à la main-d’œuvre contractuelle ou à d’autres structures juridiques. Les lois sur l’esclavage moderne au Canada et dans d’autres territoires de compétence resserrent l’obligation des entreprises de rendre des comptes pour les travailleurs touchés, au-delà des travailleurs embauchés directement par l’organisation.

Qu’est-ce que le travail forcé et le travail des enfants?

La loi comporte une définition élargie des termes « travail forcé » et « travail des enfants » pour inclure le droit international coutumier et les lois canadiennes.

En ce qui a trait au travail forcé, les lois reconnaissent ce qui suit :

  • Les travailleurs ont le droit de choisir leur travail sans s’exposer à des dangers pour leur sécurité ou celle d’une personne qu’ils connaissent.
  • Les signes de travail forcé comprennent le travail sans rémunération, les heures supplémentaires excessives, la servitude pour dettes, la restriction des déplacements, la tromperie, l’intimidation, les menaces de violence ou le retrait de pièces d’identité. Les salaires et les conditions de travail représentent un facteur essentiel. Bien que les mauvaises conditions de travail et le travail forcé ne soient pas équivalents, des conditions de travail extrêmement mauvaises peuvent indiquer une situation de travail forcé.
  • Les victimes de travail forcé sont souvent isolées dans des lieux éloignés et n’ont pas le droit d’avoir des contacts avec le monde extérieur. Le travail forcé peut consister à profiter de travailleurs en situation de vulnérabilité, par exemple des travailleurs qui ne connaissent pas la langue locale ou leurs droits en vertu des lois.

En ce qui a trait au travail des enfants, les lois reconnaissent ce qui suit :

  • Les enfants ont le droit à l’éducation. Le travail ne peut compromettre ou leur enlever la possibilité d’aller à l’école ou entraîner une fréquentation scolaire associée à des heures de travail excessivement longues.
  • Les enfants ne peuvent travailler dans des conditions qui les exposent à un danger psychologique, physique, social ou moral. Selon les normes canadiennes du travail, la plupart des emplois ne sont pas sécuritaires pour les enfants de moins de 14 ans, et les enfants de moins de 16 ans ne doivent pas être autorisés à accomplir un travail dangereux.

Quelles sont les nouvelles obligations en vertu de la loi?

La nouvelle loi est axée sur la divulgation de l’information et la transparence. Les entreprises canadiennes et étrangères assujetties à la loi doivent faire rapport de leurs efforts pour prévenir et atténuer les risques de travail forcé et de travail des enfants dans leur chaîne d’approvisionnement et rendre le rapport accessible au public.

Le rapport d’une entreprise doit comprendre ce qui suit :

  1. Les mesures qu’elle a prises au cours de son dernier exercice pour prévenir et atténuer le risque relatif au recours au travail forcé ou au travail des enfants à l’une ou l’autre étape de la production de marchandises par l’entité — au Canada ou ailleurs — ou de leur importation au Canada.
  2. Sa structure, ses activités commerciales et ses chaînes d’approvisionnement.
  3. Ses politiques et ses processus de diligence raisonnable relatifs au travail forcé et au travail des enfants.
  4. Les parties de ses chaînes commerciales et de ses chaînes d’approvisionnement qui comportent un risque de recours au travail forcé ou au travail des enfants et les mesures qu’elle a prises pour évaluer ce risque et le gérer.
  5. L’ensemble des mesures qu’elle a prises pour remédier à tout recours au travail forcé ou au travail des enfants.
  6. L’ensemble des mesures qu’elle a prises pour remédier aux pertes de revenus des familles les plus vulnérables engendrées par toute mesure visant à éliminer le recours au travail forcé ou au travail des enfants dans le cadre de ses activités et dans ses chaînes d’approvisionnement.
  7. La formation donnée aux employés sur le travail forcé et le travail des enfants.
  8. La manière dont elle évalue l’efficacité de ses efforts pour éviter le recours au travail forcé ou au travail des enfants dans ses chaînes commerciales et ses chaînes d’approvisionnement.

Le rapport doit être attesté et signé par un ou plusieurs membres du corps dirigeant de l’entité et déposé auprès du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile au plus tard le 31 mai de chaque année. La loi entre en vigueur le 1er janvier 2024, si bien que la première date de dépôt sera le 31 mai 2024.

La loi élargit également l’interdiction d’importation en vertu du Tarif des douanes pour permettre à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) de saisir les articles extraits, fabriqués ou produits, en tout ou en partie, par du travail forcé ou le travail des enfants. Les modifications apportées à la loi concordent avec le chapitre sur le travail de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), qui interdit le travail forcé et exige que chaque pays déploie des mesures pour interdire l’importation d’articles dont la fabrication est issue de travail forcé ou obligatoire.

Comment la nouvelle loi se compare-t-elle aux lois des autres territoires de compétence?

La loi canadienne est semblable aux lois sur la divulgation de l’information et la transparence de la Californie, du Royaume-Uni et de l’Australie, qui exigent des entreprises qu’elles préparent une déclaration sur l’esclavage moderne qui présente les mesures prises pour évaluer et éliminer l’esclavage moderne dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Contrairement aux règlements en vigueur dans un certain nombre de pays européens, la nouvelle loi n’oblige pas les entreprises à prendre activement des mesures pour prévenir la violation des droits de la personne (comme des consultations, des mécanismes de réclamation ou la supervision). Elle n’engendre pas non plus de recours civil par des tiers pour l’omission d’avoir pris des mesures pour éliminer l’esclavage moderne.

La nouvelle loi comporte des implications sur le plan des douanes et du commerce. Toutefois, contrairement à des lois comme l’Uyghur Forced Labour Prevention Act des États-Unis, la loi ne comprend pas explicitement une charge inversée, qui entraîne la saisie des marchandises des entreprises à moins qu’elles ne déploient des mesures convenables pour prévenir le travail forcé lié aux marchandises produites dans une certaine région.

L’ASFC n’a pas encore émis sa politique officielle sur la façon dont les entreprises devront prouver que les marchandises importées ne sont pas fabriquées par du travail forcé ou le travail des enfants. L’ASFC impose actuellement un classement tarifaire qui peut être appliqué aux marchandises importées pour interdire leur entrée au Canada si l’on croit qu’elles ont été fabriquées par du travail forcé ou le travail des enfants, classement qui peut être utilisé comme mécanisme d’exécution.

Nous anticipons que l’ASFC émettra bientôt des directives décrivant la saisie de marchandises soupçonnées d’être issues du travail forcé ou du travail des enfants.

Une entreprise qui se conforme déjà à des lois semblables à l’extérieur du Canada doit-elle faire autre chose en vertu de cette loi?

Les exigences de présentation de rapport prescrites par la nouvelle loi sont semblables, mais pas identiques aux exigences de déclaration sur l’esclavage moderne en vigueur dans les autres territoires de compétence. Autrement dit, le contenu d’un rapport peut être semblable, mais les entreprises devront réviser leurs rapports actuels pour déterminer s’ils répondent à toutes les exigences de la loi canadienne en matière de contenu.

Bien que les exigences en matière de présentation de rapports fassent partie de la nouvelle loi, des règlements pourraient être publiés au cours des mois à venir pour clarifier certaines de ces exigences.

Quels sont les risques juridiques?

L’omission de déposer un rapport ou le dépôt d’un rapport inexact engage la responsabilité criminelle de l’entreprise ainsi que de ses administrateurs et dirigeants. Les organisations ou les personnes qui omettent de se conformer à la loi ou qui émettent des déclarations fausses ou trompeuses s’exposent à une déclaration sommaire de culpabilité et à des amendes allant jusqu’à 250 000 $.

En outre, le contenu du rapport, qui doit être rendu accessible au public en vertu de la nouvelle loi, pourrait mettre en évidence des motifs de poursuite par des tiers, notamment :

  • Violation de garanties contractuelles relatives à l’esclavage moderne dans la chaîne d’approvisionnement;
  • Responsabilité en common law à l’égard des travailleurs vulnérables au travail forcé; ou
  • Pour les travailleurs du Canada, vérifications et enquêtes réglementaires en vertu des normes du travail et des lois sur la santé et la sécurité.

Quels sont les risques opérationnels?

L’obligation de présenter un rapport accessible au public sur le travail forcé et le travail des enfants dans la chaîne d’approvisionnement comporte un certain nombre de risques opérationnels.

La possibilité que les marchandises soient saisies à la frontière si le rapport donne à l’ASFC des motifs raisonnables de croire que la production des marchandises est issue du travail forcé ou du travail des enfants représente un risque opérationnel important. Par exemple, une saisie pourrait survenir si un rapport indique que les marchandises de l’entreprise sont produites dans des régions qui comportent un risque élevé de travail forcé ou de travail des enfants sans présenter les mesures qui ont été prises pour éliminer ou atténuer ce risque.

Les entreprises doivent également tenir compte du risque lié à la réputation et au marché étant donné que les renseignements contenus dans leur rapport peuvent divulguer des détails sur leur chaîne d’approvisionnement qui seront accessibles pour leurs concurrents, leurs employés, leurs investisseurs, leurs prêteurs, leurs partenaires d’affaires, leurs clients et d’autres parties prenantes importantes.

Par ailleurs, le respect de la loi exige une compréhension et un examen approfondis de la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise, ce qui peut représenter un fardeau opérationnel important. La gestion des risques liés au travail forcé et au travail des enfants exige des investissements dans les systèmes, les processus et les mesures de soutien et la mobilisation de ressources internes et/ou de conseillers externes.

Comment les entreprises concernées peuvent-elles se préparer en vue des nouvelles règles?

Pour faire un rapport substantiel des mesures prises pour prévenir et atténuer le travail forcé et le travail des enfants, les entreprises devront peut-être se doter d’un programme exhaustif lié au travail forcé et au travail des enfants dans leur chaîne d’approvisionnement. Le respect de la loi exigera des entreprises une augmentation de la visibilité sur le plan des risques pour les droits de la personne et des répercussions dans la chaîne d’approvisionnement. Les stratégies d’augmentation de cette visibilité pourraient être semblables à celles utilisées pour atténuer d’autres formes de risque lié à la chaîne d’approvisionnement et répondre aux demandes des clients. Les entreprises doivent intégrer leurs obligations de conformité en vertu de la loi à leur stratégie d’ensemble pour améliorer l’efficacité et l’efficience de leur chaîne d’approvisionnement.

En guise de point de départ, les entreprises doivent entreprendre une évaluation du risque et de la préparation pour déterminer les facteurs qui pourraient indiquer la présence de travail forcé et de travail des enfants et passer en revue les pratiques exemplaires en matière de contrôle diligent. L’évaluation du risque commercial d’une entité doit tenir compte des facteurs de risque connus liés au travail forcé et au travail des enfants, par exemple :

  • Les fournisseurs situés dans des régions caractérisées par une faiblesse de la primauté du droit, la corruption, le déplacement et des violations connues aux droits de la personne.
  • Les secteurs à risque élevé, comme les technologies de l’information et de la communication, les aliments et les boissons et les vêtements.
  • Les fournisseurs qui emploient des travailleurs vulnérables, comme des travailleurs migrants.
  • Les modèles organisationnels à risque élevé, comme la sous-traitance et le franchisage.

À la lumière de ces renseignements, les entreprises élaboreront un programme de contrôle diligent qui comprendra les étapes nécessaires pour déterminer et atténuer les risques, y compris de la documentation, des processus, des politiques et des programmes de formation. En outre, les entreprises pourraient se concentrer sur les interactions avec les fournisseurs et examiner leur approche pour atténuer les risques de travail forcé ou de travail des enfants, en particulier dans les régions à risque élevé ou pour les produits à risque élevé.

Information à jour au 22 juin 2023. L’information publiée dans le présent document est de nature générale. Elle ne vise pas à tenir compte des circonstances de quelque personne ou entité particulière. Bien que nous fassions tous les efforts nécessaires pour assurer l’exactitude de cette information et pour vous la communiquer rapidement, rien ne garantit qu’elle sera exacte à la date à laquelle vous la recevrez ni qu’elle continuera d’être exacte dans l’avenir. Vous ne devez pas y donner suite à moins d’avoir d’abord obtenu un avis professionnel se fondant sur un examen approfondi des faits et de leur contexte.

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Nous pouvons vous aider à évaluer l’incidence que pourrait avoir la nouvelle loi sur vos activités et les mesures que vous aurez peut-être à prendre pour vous préparer en vue de ces nouvelles obligations de présentation de rapports. Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec votre conseiller chez KPMG ou avec l’un des professionnels suivants :

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